Sublimés par la caméra, Benoît Magimel et Juliette Binoche brillent dans la nouvelle réalisation de Tran Anh Hung, « La Passion de Dodin Bouffant », pourtant fraîchement reçue par le public, malgré ses atouts indéniables.
Tran Anh Hung, familier de la thématique culinaire depuis son premier succès, « L’Odeur de la papaye verte », qui lui a valu la Caméra d’or et le Prix de la jeunesse à Un certain regard en 1993, explore cette fois-ci la cuisine française du XIXe siècle. Avec « La passion de Dodin Bouffant », il s’inspire de l’œuvre de Marcel Rouff, « La Vie et la passion de Dodin-Bouffant » (Editions du Serpent à plumes), et met en lumière le duo complice formé par Benoît Magimel, qui incarne le personnage principal, et Juliette Binoche, qui joue sa cuisinière dévouée.
Douceurs de la caméra
Vers la fin du XIXe siècle, Eugénie, incarnée par Juliette Binoche, est une cuisinière hors pair au service de Dodin, rôle tenu par Benoît Magimel, un bourgeois reclus dédiant sa vie à la gastronomie dans sa demeure d’Anjou. Leur passion mutuelle pour la bonne chère les rapproche, et les conduit à des plaisirs plus intimes. Ils concoctent ensemble des mets exquis que le gastronome partage avec un cercle choisi de gourmets. Libre et indépendante, Eugénie repousse l’idée du mariage. Pour la persuader, Dodin envisage alors de quitter son rôle de gourmet pour se mettre aux fourneaux et cuisiner pour elle.
Le film de Tran Anh Hung s’ouvre sur une scène de préparation culinaire sublime. Eugénie (Juliette Binoche) prépare un repas raffiné pour le cercle restreint d’amis que Dodin, son maître et bientôt son amant, reçoit régulièrement. Grâce à une chorégraphie de mouvements de caméra mesurés et veloutés autour de la table, au plus près des plats et des casseroles sur le feu, Tran Anh Hung traduit la sensualité d’une cuisine en pleine effervescence. Un pur délice.
Une Co-création
Tran Anh Hung illustre la chronique gastronomique du maître de cette demeure enchanteuse, dédiée au culte du bien-manger, des légumes luxuriants et des fruits de la passion. On y parle peu, mais avec une langue choisie, légèrement précieuse, reflet d’un conservatisme suranné dont le palais de Dodin semble être l’ultime bastion. Bien que consacrée à une révolution gastronomique en cours, cette retraite est également l’écrin d’un amour authentique entre le propriétaire et sa cuisinière. L’enjeu principal du film est la célébration de cette union à travers leurs créations communes. Tran Anh Hung traite ce sujet avec pudeur, mais suffisamment d’explicité lorsqu’il explore d’autres plaisirs charnels.
Violette la servante, incarnée par Galatea Bellugi, et sa jeune assistante Pauline, jouée par Bonnie Chageau-Ravoire, enrichissent ce tableau vivant évoquant une époque révolue et des passions exaltantes. Tran Anh Hung orchestre un véritable festival de couleurs à travers les mets préparés, servis et savourés, au sein d’une ambiance décontractée où le futile devient primordial. Néanmoins, la majorité des festivaliers sont restés à l’extérieur de ce temple des délices, qui sont pourtant offerts comme un festin.
La fiche technique
- Genre : Drame historique / Romance
- Réalisateur : Tran Anh Hung Acteurs : Juliette Binoche, Benoît Magimel, Emmanuel Salinger, Patrick d’Assumçao, Galatea Bellugi, Bonnie Chageau-Ravoire, Jan Hmmenecker, Frédéric Fisbach
- Pays : France
- Durée : 2h14
- Sortie : 8 novembre 2023
- Distributeur : Gaumond Distribution
Synopsis :
Eugénie, virtuose de la cuisine, a dédié 20 ans de sa vie à servir le gastronome renommé Dodin. Au fil du temps passé ensemble en cuisine, une passion amoureuse a germé entre eux, où l’amour est intimement lié à la pratique de la gastronomie. De cette union naissent des plats toujours plus savoureux et délicats qui émerveillent les grands gourmets du monde. Cependant, Eugénie, aspirant à la liberté, n’a jamais souhaité épouser Dodin. Celui-ci décide alors d’accomplir une chose qu’il n’a jamais faite auparavant : cuisiner pour elle.